Compte-rendu de la journée d’étude Bibliothèques dans la tourmente

 

Compte-rendu de la journée d’étude

Bibliothèque dans la tourmente

A la BMVR de Nice le 12 décembre 2013

 

 

Politiques culturelles et territoires : peut-on et comment faire face aux nouveaux défis ?, par Jean-Pierre Saez, Directeur de l’Observatoire des Pratiques culturelles

Jean-Pierre Saez fait un état des lieux de la société actuelle en rappelant la fonction démocratique de la cité qui doit à la fois être une et tenir compte de la diversité, l’indivuation très forte de la société actuelle, le développement du temps libre qui se construit en parallèle d’une accélération de tous les processus sociaux (avec une pensée qui se développe dans le court terme).

 

Comment la politique publique doit-elle se situer ?

 

Jean-Pierre Saez rappelle que la décentralisation est un moyen de rapprocher le pouvoir du territoire. Il dresse ensuite une évolution des politiques culturelles ces quinze dernières années :

Développement de l’intercommunalité (EPCI). JP Saez souligne à quel point les professionnels de la culture ne se sont pas asse z mobilisés pour animer le débat sur ce sujet

Région : a surtout investi le champ du spectacle vivant et de l’économie culturelle

Département : est celui qui a le plus de compétences culturelles à gérer, et qui organise une politique de proximité. Mais depuis 2009, il y a une baisse des efforts en matière culturel due à une hausse de l’intervention dans le domaine social.

Commune : en moyenne 10% de leur budget pour la culture (pour de grandes villes comme Lyon, Bordeaux ou Strasbourg, le budget pour la culture est plutôt de 20% mais une grosse partie est destinée à l’opéra).

Etat : en phase de régression, suspension de grands projets, efforts concentrés sur les industries culturelles numériques et sur l’éducation artistique et culturel. Depuis la dernière décennie, on peut constater l’affaiblissement du rôle des DRAC.

 

Jean-Pierre fait ensuite un point sur la décentralisation. 3 lois sont en cours, une est actuellement en discussion sur l’affirmation des métropoles. Les autres concernent le rôle des régions et des départements, et la question de la solidarité territoriale.

 

Enfin, Jean-Pierre Saez pose la question de l’avenir.

Il fait part de deux mouvements :

Un premier mouvement pour plus de coopération, dont les cadres restent encore à inventer, à organiser.

Un deuxième mouvement autour du cadre de l’inter-territorialité. C’est une réflexion à mener à l’échelle européenne, car il est nécessaire d’inciter l’Europe à investir dans la politique culturelle.

Enfin, il sera nécessaire de travailler sur le champ du rapport public/privé (mécénat, crowdfunding…).

 

JP Saez pose la question de la bibliothèque comme nouvelle maison de la culture : cf. le développement la notion de lieu de rencontre, de sociabilité, et le développement de la fonction de ressources.

 

Les bibliothèques publiques et le monde qui vient, par Dominique Lahary

Cf. le powerpoint de Dominique Lahary

 

Table ronde « sortir de la tourmente ? »

Les questions sont organisées autour de 4 grands thèmes :

L’intercommunalité

L’autorité territoriale

Construire les bibliothèques ?

Le bibliothécaire épicurien

 

Une question est posée sur la situation des BU et de l’université :

Réponse de l’ABF : une journée d’étude sur les bibliothèques universitaires dans la tourmente sera proposée en 2014.

Réponse de Jean-Pierre Saez : Cas de la bibliothèque universitaire de Clermont-Ferrand qui a commencé à développer sa politique culturelle par la lecture publique (par une sensibilisation des acteurs et des élus) : les acteurs ne sont pas parvenus à se mettre d’accord pour intégrer la BU dans la démarche.

L’Observatoire des Pratiques Culturelles travaille actuellement en région Rhône Alpes sur la concertation entre culture et l’université et la recherche, notamment en s’interrogeant sur la façon d’accompagner les pratiques culturelles des étudiants.

Dominique Lahary rappelle l’importance de la concertation sur la question du partage des publics entre BU et BM en fonction des créneaux horaires.

 

L’intercommunalité

Françoise Michelizza, directrice de la BMVR de Nice, rappelle que Nice est métropole depuis 2011 mais que la culture n’est pas une compétence de la métropole.

Jean-Pierre Saez rappelle que la compétence culture n’implique pas pour l’intercommunalité de s’occuper de TOUTE la culture, mais peut se concentrer sur un seul domaine. Si une intercommunalité travaille sur une action culturelle dans la durée (type festival…), même sans avoir voté la compétence, la préfecture peut (et doit) avaliser la compétence culture de fait. Cela peut aider à clarifier le positionnement politique. Jean-Pierre Saez précise que ce n’est encore jamais arrivé que la préfecture intervienne de la sorte car l’Etat, en général, recherche plutôt le consensus sur le sujet.

Jean-Pierre Saez nous apprend également que la communauté urbaine est le niveau le plus en retard de l’intercommunalité dans la prise de compétences culturelles. Il rappelle que beaucoup de choses passées en compétence de l’intercommunalité permettaient initialement aux élus de présenter un bilan sur lequel se faire réélire ; aujourd’hui reste seulement la culture et le sport pour cela.

 

Une question est posée sur les rythmes scolaires et l’intercommunalité.

Réponse de l’ABF : une journée d’étude sur la réforme des rythmes scolaires est envisagée pour 2014.

Réponse de Jean-Pierre Saez : l’intercommunalité d’Annecy est prête à engager le chantier. C’est une des intercommunalités qui a pris très tôt la compétence culturelle et la ville d’Annecy a travaillé très tôt sur la logique de parcours artistique et culturel. Jean- Pierre Saez engage également à voir ce qui se fait à Clermont-Ferrand et à Rennes car ce sont des terrains favorables à l’expérimentation des nouveaux rythmes scolaires.

 

Pour en revenir à l’intercommunalité, Dominique Lahary rappelle qu’il y a un enlisement du 3ème volet de la décentralisation. La réflexion actuelle est de garder les échelles de la Région et l’intercommunalité et de faire disparaître le Département et la Commune, mais il y a énormément de résistance.

Il souligne un paradoxe : l’intercommunalité n’est pas unique, elle n’est nulle part pareille car c’est le conseil d’intercommunalité qui décide du champ d’action de l’intercommunalité.

Le plus important reste le service aux publics. Les bibliothèques devraient être localisées en fonction des bassins de vie avec les collections en conséquence. Mais c’est un processus lent qui crée des problèmes de ressources humaines. Une large palette de collaboration intercommunale s’offre : SIGB partagé, navette, animations…

Cf. l’exemple en PACA d’un réseau exemplaire de lecture publique : le réseau de Dracénie.

Par rapport à la prise d’une compétence culturelle par une intercommunalité, il est noté que les élus craignent souvent que le budget soit absorbé par la ville centre et ils pensent aussi qu’ils doivent prendre la culture dans son entier. Dominique Lahary souligne l’importance du travail des professionnels pour donner des arguments aux élus afin de lever les appréhensions concernant la compétence culture prise par une intercommunalité.

 

L’autorité territoriale

Est abordée l’expérience d’une personne malvoyante à la BMVR qui s’occupe du pôle handiaccueil.

Est abordée également l’expérience de coopération entre les bibliothèques de La Seyne sur Mer et Hyères autour d’animations musicales : le collègue précise que la coopération se fait de professionnel à professionnel, mais n’est pas une volonté politique. Dominique Lahary rebondit sur cette expérience en précisant que l’absence de projet politique ne signifie pas absence d’action : cela laisse l’opportunité pour le fonctionnaire de le construire. Il y a toujours une politique de fait, même si elle n’est pas formalisée (d’ailleurs c’est très souvent le cas) : la formalisation se passe par la validation. Ce qui est fait est la volonté des élus (même s’ils l’ignorent). Est-ce de la démocratie ? Non, c’est de la technocratie (même si ça peut donner de très bons résultats). Mais pour la continuité de l’action publique, il est bon que les élus soient conscients de l’action qu’ils mènent. C’est important d’obtenir une validation du projet de l’équipement également pour un meilleur fonctionnement de l’arbitrage financier.

 

Question : vu l’évolution, on parle d’horizontalité (réseau, public…) ; n’est-il pas nécessaire de faire évoluer la hiérarchie (et sa verticalité) ?

Réponse : il ne s’agit pas de faire exploser la structure, mais de la faire évoluer. Et il sera toujours nécessaire qu’une personne prenne une décision, car c’est elle qui endosse la responsabilité de cette décision.

Dominique Lahary précise qu’une collectivité intelligente se sert du dynamisme, de l’originalité et des compétences de ses agents, qu’il faut pouvoir ainsi encourager la créativité de l’ensemble.

Jean-Pierre Saez rappelle que le thème de la transversalité existe depuis longtemps dans les politiques publiques. Les collectivités ont évolué et ont tendance à réclamer cette transversalité pour une recherche d’efficacité et d’économie. Il n’y a de modèle idéal. L’évaluation est un excellent outil de réflexivité, qui permet d’apporter des éléments pour faire avancer le débat.

 

Question autour de la coopération entre public et privé : est-ce que le mécénat existe en bibliothèque ? Va-t-il se développer ? Est-ce nécessaire ?

Réponse de Jean-Pierre Saez : il est nécessaire que les entreprises soient formées à cette question, mais la médiation se fera par le politique et pas par les techniciens. JP Saez émet tout de même une réserve : il est illusoire de penser que le mécénat va remplacer la puissance publique (budgétairement, le mécénat représente dans le budget global de la culture).

Il faut aussi envisager la question du mécénat citoyen en constituant des lieux de sociabilité. Ex. du crowdfunding surtout développé dans le domaine musical.

 

Construire les bibliothèques ?

Intervention d’un participant pour dire que la bibliothèque n’est pas une, qu’elle a une longue histoire (depuis la bibliothèque d’Alexandrie), qu’elle a eu plusieurs âges d’or et que finalement la situation actuelle n’a rien de nouveau. Le cœur de métier reste de proposer et transmettre du contenu culturel, quelle que soit sa forme.

 

Question de la formation du personnel des bibliothèques : le prochain congrès de l’ABF aura lieu du 19 au 21 juin à Paris et traitera en partie de cette question car le thème est autour des métiers de la bibliothèque.

 

Question sur le jeu vidéo en bibliothèque : Comment ? Droit ?

La participante qui pose la question aimerait qu’une journée d’étude soit consacrée à ce thème.

 

 

RAPPEL :

Prochain numéro de la revue Bibliothèques sur la bibliothécaire et le décideur.

Revue de l’Observatoire des Pratiques Culturelles : un numéro sur la culture numérique et un numéro sur les pratiques culturelles et artistiques. Numéro à venir sur la décentralisation.

Ci-dessous la présentation de Dominique Lahary consultable en ligne :

https://drive.google.com/file/d/0B1e46KQPehcxRXA0dksxM3cwZGc/edit?usp=sharing

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