Compte-rendu de la balade 2015 dans le Toulois

 

Compte rendu de la balade du dimanche 27 septembre.

La balade s’est déroulée dans les côtes de Toul entre les coquets villages viticoles de Bruley et Lucey.

Les 13 inscrits étaient au rendez-vous à Bruley et nous sommes partis comme prévu à 10 h.

Nous avons traversé le vignoble jusqu’à Lucey et poursuivi entre les vignes sur un parcours pédagogique jalonné de proverbes anciens et de rappel des dates de fêtes de saints associés à la viticulture, à commencer par le saint-patron des vignerons, Saint Vincent (fêté le 22 janvier). Le paysage charmant évoque la Bourgogne ou l’Alsace. Le  parcours s’achevait par un souvenir d’une toute autre culture, celle du chanvre. Dans un petit bois derrière le village subsistent les anciennes roises, petites fosses destinées au rouissage du chanvre, opération consistant à en laisser macérer les tiges dans l’eau durant plusieurs semaines afin d’en décomposer la cellulose. Nous verrons plus loin l’importance qu’a revêtue cette culture autrefois. Revenus à Bruley par la forêt, nous sommes passés devant la chapelle néo-gothique du rosaire. Ce curieux édifice est composé de trois octogones accolés ouverts sur le flanc est, fermé par une grille ouvragée qui laisse voir un étonnant polyptique de la vie de Jésus en panneaux de céramique. Sur la face ouest, à flanc de coteau, a été creusée une réplique de la grotte de Lourdes. Il s’agit d’un lieu de pèlerinage très fréquenté au XIXe siècle.

Un excellent déjeuner nous attendait au restaurant « En passant par la Lorraine », arrosé de vin gris de Toul, précédé d’un exquis pétillant de mirabelle. Le restaurant comporte une charmante boutique de spécialités où plusieurs d’entre nous feront étape à la fin de la journée.

Nous sommes revenus en voiture à Lucey pour visiter la maison de la polyculture, petit écomusée situé dans une ancienne maison vigneronne  en cœur de village. Le guide, un monsieur aimable et disert, nous a fait partager sa passion tant pour la viticulture que pour les autres pratiques agricoles aujourd’hui révolues de Lucey. La polyculture, qui associait les cultures de la vigne, du houblon et du chanvre, a en effet cédé la place à la monoculture de la vigne depuis une quarantaine d’année.

A tout seigneur tout honneur : Commençons par la viticulture. Les côtes de Toul portent trois cépages : le pinot noir, le gamay et l’auxerrois. Originaire de Bourgogne, le pinot noir est le plus ancien et le plus noble des trois. Il est détrôné en surface par le gamay, cépage plus productif originaire du Beaujolais. Une moindre surface est occupé par l’auxerrois qui, comme son nom ne l’indique pas, a été sélectionné à Laquenexy au début du XXe siècle. Au contraire des deux premiers, il produit du raisin blanc. La vinification consiste en deux techniques différentes selon que l’on veut du  vin blanc ou du vin rouge. La couleur naturelle du jus de raisin étant blanche, le pressage direct du raisin, noir comme blanc, donne du vin blanc. Pour le colorer, il suffit de faire macérer le raisin noir préalablement foulé dans une cuve, ou cuvelle. Plus la macération est longue, plus la robe est colorée. Avant pressage, trois heures de macération suffisent à un rosé, plusieurs jours sont nécessaires pour un rouge. Le gris de Toul est originairement un blanc, mais la mode incite les viticulteurs à le faire en rosé. La précieuse AOC est attribuée annuellement, le reste de la récolte est en VDQS. Actuellement, la production s’écoule sans difficulté, ce qui favorise l’installation de jeunes viticulteurs. Terminons enfin sur les modes de culture : la culture sur trois rangs bas a cédé la place, pour le passage des tracteurs enjambeurs, à celle sur deux rangs hauts. Seules les vieilles vignes demeurent sur trois rangs bas ; elles sont appelées à disparaître. Quant au buttage des pieds de vigne, le réchauffement climatique l’a rendu caduc depuis les années cinquante, ce qui facilite d’autant la viticulture. Derrière la maison, plusieurs rangées de vigne à vocation pédagogique sont plantées dans différents cépages. Cette année, le raisin est magnifique.

Toujours dans le jardin à l’arrière, mais sur une bien moindre surface, nous rencontrons le houblon, qui venait d’être récolté. Le houblon est une plante grimpante que l’on faisait pousser le long de hautes perches (aujourd’hui, sur des fils de fer). Seuls les pieds femelle fleurissent (elle est dite dioïque). Dans la fleur, de petits grains d’une substance jaune, la lupuline, confèrent son amertume à la bière. Le houblon fleurissant en septembre, on le récolte avec des crochets et on le fait sécher sur des claies. Pour activer le séchage, on l’expose à un jet d’air chaud. Autrefois, cela consistait à le placer dans une claie rotative placée en étage au sommet d’une cheminée alimentée au coke. Le four, ou cubilot, était placé à l’étage inférieur et la chaleur montait par la haute cheminée métallique, ou touraille, jusqu’à la claie que l’on faisait tourner à la manivelle. Cette opération n’était pas sans risque d’incendie, bien que le coke ne produise en principe pas d’étincelles.

Une fois secs, les plants sont étalés sur une table pour en prélever les fleurs, qui se présentent sous forme de grappes. Ces fleurs sont vendues aux brasseurs qui en versent de petites quantités dans leurs brassins. Développée à la fin du XIXe siècle pour compenser la ruine de la vigne causée par le phylloxéra, la culture du houblon s’est arrêtée à Lucey en 1969, du fait de la fermeture des petites brasseries qu’elle fournissait. Un micro-brasseur ayant ouvert dans les environs, la production de la maison de la polyculture lui est destinée.

A l’autre bout des rangs de vigne, nous rencontrons les hautes tiges du chanvre (cannabis sativa, à ne pas confondre avec son cousin illicite, cannabis indica !). Dans les côtes de Toul, le chanvre a longtemps été la culture concurrente de la vigne. Une fois sorti des roises, que nous avons rencontrées plus haut, les tiges étaient séchées puis écrasées et battues afin d’en extraire la fibre. Ces travaux pénibles étaient attribués aux femmes, qui devaient ensuite filer la fibre pour obtenir un fil robuste. A ce fil, deux destinations possibles : soit le tissage pour la toile, soit la fabrication de cordes. Hormis la confection de vêtements et de draps rustiques, la principale destination de la toile était les voiles de navires. La marine était également le principal client des cordages. Avec le déclin de la marine à voile à partir de la fin du XIXe siècle, la culture du chanvre s’est peu à peu éteinte.

Ne quittons pas la maison de la polyculture sans nous arrêter sur son architecture. Il s’agit d’une maison typiquement lorraine, enserrée dans un village-rue non moins typiquement lorrain. Sa façade (8 m.) est étroite comparée à sa longueur (56 m. nous dit le guide, ce dont nous pourrons un peu douter). Ce que ne dit pas le guide, c’est que l’étroitesse des façades était souvent commandée par des raisons fiscales (impôt sur les portes et fenêtres) : Il n’y avait à l’origine qu’une seule fenêtre, en rez-de-chaussée, celle de l’étage datant de 1943, quand une pièce a été aménagée dans ce qui n’était qu’un grenier. Près de la moitié de la façade est occupée par une porte cochère, unique entrée sur rue. Au-dessus se trouve une petite fenêtre carrée qui servait de bouche d’aération au grenier. L’arrière de la maison étant aveugle, on peut imaginer l’obscurité qui y régnait en permanence ! Seul l’étage était éclairé par un puits de lumière, ou flamande, à l’impressionnante trémie. Les économies de fenêtres n’appelaient donc pas celles de chandelle, avec le risque d’incendie que cela comportait. En effet, la toiture était originellement en chaume, d’où sa faible pente également si typiquement lorraine. Le chaume inflammable a cédé la place à la tuile canal, bien adaptée à ce type d’inclinaison. Pour des raisons d’économie, la tuile canal a à son tour cédé la place à la tuile mécanique, comme partout en Lorraine. En effet, la tuile canal est plus vulnérable aux mousses et (particularité locale) au « bang » des avions à réaction longtemps présents dans le ciel de Lucey du fait d’un aérodrome militaire tout proche… La plus grande partie du rez-de-chaussée est occupée par un ancien volume agricole, aujourd’hui lieu d’exposition des anciens outils d’exploitation (charrues, pressoir, cuvelle, etc…). La moitié de l’étage est restée à l’état de grenier, reconverti en espace d’exposition des instruments de travail du chanvre.

Nous nous quittons après 17 h sous le soleil éclatant qui a brillé toute cette belle journée, un peu rafraîchie par un vent de nord-est entêté. Un grand merci à notre organisatrice, Evelyne Dumont-Uhlrich, pour cette sortie particulièrement réussie !

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