Par Stéphane Dumas, responsable du développement numérique à la Bibliothèque départementale de l’Ardèche et président du groupe ABF Rhône-Alpes
C’est étrange comme les aléas peuvent transformer la perception que nous avons de certaines choses. Il y a encore un mois, lorsque je réfléchissais à ce que j’allais dire dans cette introduction, le plan d’attaque n’était pas du tout celui que j’envisage aujourd’hui. Depuis, le coronavirus et le confinement sont passés par là. Les bibliothèques ont dû s’adapter en urgence et réfléchir à ce qu’elles pouvaient faire pour leurs usagers à distance. Et cette réflexion va dans les deux sens. Les français ont cherché des moyens d’occuper leur temps libre beaucoup plus important en cette période, et découvrent que les bibliothèques sont aussi numériques.
Et qui dit bibliothèque, dans l’imaginaire commun, dit automatiquement livre. Comme on ne peut pas se déplacer (comment ça, le Premier Ministre, sur l’attestation de déplacement, n’a pas prévu une case « Je vais rendre mes livres à la bibliothèque et en prendre d’autres », c’est une honte !), on pense rapidement au numérique et au dématérialisé.
Visiblement, la crise sanitaire de ces dernières semaines change la donne. Il n’y a qu’à voir les articles qui fleurissent un peu partout, que ce soit dans la presse spécialisée comme celle généraliste. Pas un jour sans un bon plan pour trouver des livres numériques gratuits. Même les éditeurs s’y mettent. Et l’habitude risque bien de s’ancrer pour certains de nos compatriotes. Il va falloir les prendre en compte. Jusque-là, les lecteurs sur supports numériques étaient peu nombreux, toutes proportions gardées. Certaines bibliothèques pensaient pouvoir faire l’impasse, avançant différents arguments : l’offre n’est pas bonne, c’est cher, il n’y a pas le choix, ce sont les éditeurs qui commandent. Ce focus sera justement là pour vous montrer que tout a évolué, que l’offre est là et qu’elle est variée.
Le lectorat numérique est encore peu nombreux, mais il faut aussi compter avec eux et pour eux. On nous parle d’inclusion en Bibliothèque (l’intitulé du congrès de l’ABF en 2020 en est un très bon exemple et doit rester une vraie priorité) et il n’est plus acceptable de laisser sur le carreau les personnes qui préfèrent la liseuse au papier. Dans nos établissements et dans nos collections, nous aménageons et prévoyons des acquisitions pour les personnes âgées, pour les plus jeunes, pour les allophones. Les bibliothèques se doivent de pouvoir répondre aussi aux attentes des partisans de la lecture numérique. C’est aussi un moyen de rapprocher les personnes vivant en milieu rural. Elles sont souvent loin du moindre lieu culturel. Ils peuvent avoir ainsi accès à tout un pan de la culture depuis chez eux. Ça aussi c’est important !
Ne nous voilons pas la face. La technique peut être un vrai frein. Pourtant, je reste convaincu qu’il y a aussi quelque chose à jouer là-dessus : notre métier change, il est en pleine mue et la médiation technologique en fait partie. Non, nous ne nous contenterons plus simplement de sélectionner des documents pour guider le lecteur, mais nous lui montrerons aussi comment télécharger son livre et, par exemple, comment agrandir les caractères pour que la lecture soit plus confortable. C’est ça aussi l’accompagnement. Je reste persuadé que lorsque la pédagogie est bien faite, le lecteur devient rapidement autonome. L’âge ou l’éloignement géographique n’est pas un frein, l’exemple ardéchois (faisons un peu de publicité pour sa paroisse) en est la preuve : une pyramide des âges qui ne plaide pas en notre faveur, des temps de transport qui se comptent en virages et non en kilomètres, un nombre d’habitants moindre que dans certains quartiers de grandes villes françaises et pourtant des téléchargements de livres numériques à faire pâlir certaines grandes bibliothèques !
Et pour finir, soyons un peu chauvin. La France propose des solutions variées qui peuvent répondre aux attentes de n’importe quel usager et bibliothécaire : best-sellers, livres de petits éditeurs, offre grand public ou confidentielle, téléchargement, streaming, offre limitée dans le temps ou pas… Même si tout n’est pas parfait, loin de là.
Je souhaite que les prochaines pages répondent à vos questions et finissent de vous convaincre de l’utilité du livre numérique en bibliothèque.
Merci à tous nos contributeurs sans qui ce focus n’aurait pas pu se faire :
Philippe AIGRAIN, président des Éditions publie.net littérature{s}
Laurine ARNOULD, chargée de mission Numérique et bibliothèque au Service du livre et de la lecture, ministère de la Culture
Blandine BAUFUMÉ, responsable du Service Clients, Dilicom
Julien COLIN, responsable des contenus numériques à la Médiathèque départementale du Puy-de-Dôme
Guillaume DE LA TAILLE, président du réseau Carel
Alexandre LEMAIRE, chef de projets numériques pour les bibliothèques publiques au Ministère de la Culture (Belgique) ; vice président de Réseau Carel et animateur du groupe livres numériques
Luc MAUMET, consultant, Accessible Book Consortium, commission AccessibilitéS de l’ABF
Matthieu RAYNAUD, responsable des ventes en ligne Actes Sud
Guillaume VISSAC, directeur éditorial des Éditions publie.net littérature{s}
Stephen WYBER, manager, Affaires Publiques et Plaidoyer, IFLA.
Bonne lecture à toutes et tous.