Par Alexandre LEMAIRE, chef de projets numériques pour les bibliothèques publiques au Ministère de la Culture (Belgique) ; vice président de Réseau Carel et animateur du groupe livres numériques
Lors de l’apparition du projet PNB émanant de l’interprofession et piloté par Dilicom, le réseau public de lecture belge s’est proposé (et a été retenu) comme un des cinq expérimentateurs du projet. En tant que maillage de 400 bibliothèques publiques, il s’agissait à l’époque du seul réseau extra-communal impliqué dans le projet PNB, les quatre autres expérimentateurs de cette époque de « pionniers » étant des bibliothèques municipales. Les bibliothèques départementales n’ont rejoint le projet que bien plus tard et Lirtuel reste le plus grand réseau de bibliothèques publiques au sein de PNB. Les bibliothèques publiques de Wallonie et de Bruxelles, sous l’égide du Service de la lecture publique de la Fédération Wallonie-Bruxelles, se sont positionnées dès 2014 en tant que « fer de lance » pour la diffusion large de livres numériques auprès des usagers des bibliothèques.
Stratégie numérique
Le choix de PNB était en accord avec la stratégie numérique de la Fédération Wallonie-Bruxelles et de ses partenaires qui avaient identifié l’adéquation de ce futur dispositif avec plusieurs critères importants pour le réseau de lecture publique belge :
L’étude préliminaire au projet, réalisée avec l’aide de deux sociétés de consultance, a mis en avant un second axe à explorer : la mise en œuvre d’un entrepôt numérique. Cet entrepôt permettra de proposer, outre les titres sous droits via PNB, des titres libres de droit, notamment d’auteurs belges.
Le choix de la plateforme
Avec l’aide de consultants spécialisés en architecture informatique, logiciels pour bibliothèque et ergonomie Web, le choix de la FWB s’est porté sur un outil en SaaS1 (Software as a service), c’est-à-dire dans le cloud, et dénommé « Cantook station ». Fournie par la société De Marque2 (située au Québec), cette plateforme permet aux bibliothécaires de gérer le « back-end » avec une philosophie axée sur les paramétrages laissant à chacun la possibilité, malgré le fait que ce soit un même système pour toutes les bibliothèques, de « personnaliser » son offre aux usagers. L’ergonomie Web avancée a également constitué un critère important dans le choix de Cantook station. Il faut néanmoins mettre un petit bémol sur le plan de l’accessibilité du site mais c’est un élément encore trop peu pris en compte par la plupart des éditeurs de logiciels de bibliothèques, globalement.
Une autre grande force de cet outil est aussi de proposer des Web services très performants qui permettent de tirer des données d’usages complètes vers un système d’évaluation statistique que la Fédération Wallonie-Bruxelles a effectivement mis en place avec un couplage Talend (outil de transformation des données importées) / PostgrSQL (comme « datawarehouse ») / Tableau (outil de « Business intelligence »).
Le fonctionnement coopératif et les services aux usagers
Les acquisitions payantes de livres numériques (du catalogue PNB notamment, mais aussi des ebooks en anglais en provenance d’une autre source) se font via un consortium numérique constitué par le Service de la lecture publique avec ses partenaires privilégiés, les bibliothèques centrales du réseau de lecture publique. Dénommées dans la législation belge « opérateurs d’appui » (des bibliothèques locales), ces institutions sont organisées par les provinces de Liège, du Hainaut, de Luxembourg et de Namur, ainsi que par la Ville de Bruxelles. Ce consortium numérique regroupant des spécialistes du numérique dans ces institutions sert aussi, bien que ce ne soit pas sa fonction première, de groupe de réflexion sur le fonctionnement de Lirtuel et sur la facilitation de l’accès des usagers aux ebooks.
Les bibliothèques se présentent (au côté d’une « hotline » de la FWB) en première ligne pour assister les usagers en difficulté, notamment avec les DRM Adobe ! Le passage envisagé vers la DRM « light » et respectueuse de la protection des données individuelles développée par EDRlab à Paris devrait avoir lieu en 2020 / 2021. Il devrait également permettre, outre une diminution significative des freins techniques (comme nos collègues québécois l’ont constaté), un confort supérieur de lecture des bandes dessinées au format epub plutôt que PDF. Enfin l’adoption de LCP permettra de vraies prolongations de prêts (actuellement simulées par un retour suivi d’un ré-emprunt immédiat mais entre-temps le titre n’est parfois temporairement plus disponible).
De leur côté, les usagers peuvent recourir à Lirtuel pour emprunter des livres numériques donc, mais aussi pour en réserver. Il lui est aussi loisible de diffuser via des outils sociaux la notice d’un livre (sur Facebook, sur Twitter…) ainsi que de l’enrichir par un avis sur ce livre, par des mots-clefs, par une note d’évaluation reflétant son appréciation du titre. Des commentaires de bibliothécaires sur les titres apparaissent aussi dans le catalogue grâce à un module que la FWB a fait développer par De Marque.
Une faiblesse de PNB tient à la qualité des métadonnées fournies (en revanche, sont fournis images de la couverture, 4e de couverture et parfois notice sur l’auteur). Pour remédier à cela, la FWB a pu via Electre enrichir les métadonnées des titres, notamment pour les sujets, les genres littéraires et la nationalité des auteurs (ce qui permet de mettre en avant les auteurs belges). Un travail sur les âges des publics est actuellement en cours.
Chiffres clefs
Voici enfin quelques chiffres et un graphique qui montrent l’engouement croissant pour l’offre numérique de Lirtuel (sans parler de l’explosion actuelle liée au confinement !) :
Évolution des prêts de livres numériques dans Lirtuel de février 2015 à mars 2020
Forte augmentation des prêts en cinq ans donc ; et Lirtuel représente près de 13 000 usagers et une collection de 8 000 titres…
Concernant nos publics, le système d’évaluation statistique a permis de relever qu’il s’agit surtout de personnes de plus de 40 ans (73 %) et majoritairement un lectorat féminin (65 %).
1 Logiciel en tant que service, Software as a service. Wikipédia.