Association
des Bibliothécaires
de France
Notre collègue Jordane a obtenu une bourse pour participer au congrès de Montreuil. Elle nous a fait parvenir un compte rendu complet des séances auxquelles elle a participé.
Compte-rendu du congrès ABF 2025
Mercredi 11 juin
Conférence inaugurale : Myriam Revault d’Allonnes, philosophe, chercheure associée au CEVIPOF (Centre de recherches politiques de Sciences Po) professeure émérite des universités à l’École pratique des hautes études.
« Critique » a la même racine que « crise ».
L’esprit critique est une entreprise de clarification, une inquiétude intellectuelle. Il consiste en prendre pour réel un fait confronté à l'épreuve de la démonstration ou de la preuve.
Elle a cité Kant.
On observe l’augmentation de l'occurrence du terme « post vérité » suite au covid et à la première élection de Trump.
Elle cite Harendt. Les faits se présentent sous la forme d'un artefact, quelque chose d'inventé.
Aujourd'hui, il serait nécessaire de rejeter une opinion sur un fait réel. Il y a un régime d'indifférence à la vérité.
« Post vérité ».
Exemple : négationnisme.
Il y a une transformation de la vérité de fait en opinion.
Au nom de la démocratie, les lanceurs d'alerte peuvent dénoncer le fait que la vérité ne soit pas dévoilée. Exemples : Panama papers. Watergate.
Un combat contre la passivité est nécessaire. Elle cite de nouveau Kant avec "discipline de pensée", "sortir de la minorité".
Elle rappelle que les Lumières disaient "aie le courage de savoir".
Il faut que les citoyens soient des sujets autonomes.
TD1 : Bibliothécaire, un métier militant ? La déontologie professionnelle sous pression...
Jean-Rémi François, membre de la commission PolDoc et du Bureau national de l’ABF, Laurent Matos, vice-président d'Intermédia78, directeur des bibliothèques du Chesnay-Rocquencourt, membre de la commission PolDoc de l’ABF, Julien et Quentin, animateurs du podcast Deux connards dans un bibliobus.
Ils rappellent que cette thématique désigne des obligations du fonctionnaire : la neutralité et l’obéissance hiérarchique.
Julien rappelle qu’il y a aussi un devoir de loyauté, qui s’inscrit dans un jeu politique, une polarisation. Il est nécessaire d’entendre les voix des usagers afin de correspondre aux mieux aux enjeux du service public.
Il indique que contrairement à la France, aux Etats-Unis, les fonctionnaires sont nommés.
Les 2 connards dans un bibliobus recommandent l’écoute des podcasts de la Journée d’études du comité ABF Midi Pyrénées intitulée Quand la politique s’emmêle :
https://www.abf.asso.fr/16/846/3361/ABF-Region/bibliotheque-quand-la-politique-s-emmele
Et le replay du Printemps des métiers de l’ENSSIB de mai 2025 sur les bibliothèques et la politique documentaire :
Les 2 connards dans un bibliobus avaient lancé une enquête ayant obtenu 217 réponses dont 274 de bibliothécaires de lecture publique.
Ils avaient évoqué dans le podcast la nécessité de la démocratisation de la parole, du discours métier et d’un équilibre (de la parole) entre les catégories A, B et C.
Il y a une mécompréhension du devoir de réserve, qui se trouve être différent de l’obligation de neutralité. En effet, le non-respect de cette dernière serait de favoriser une personne (usager) par rapport à son appartenance religieuse, politique (sur son temps de travail).
Tout agent a le droit à la liberté d’expression. Le collectif Nos services publics en parle, dans la mesure où l’on est moins seul et que le statut est plutôt protecteur.
On parle de « neutralité » et de « pluralité ». Ils citent Karl Popper sur le paradoxe de la tolérance. Nous ne pouvons pas tolérer l’intolérance. La démocratie meurt.
Être témoin sans rien faire, ce n’est pas possible et c’est différent du principe de neutralité.
Ils citent Joseph P. Overton sur la notion de pluralité. Produire de l’indicible en argumentant avec de fausses informations. Montrer à outrance.
Exemple : discussion autour de l’abonnement ou pas à Valeurs actuelles dans les bibliothèques de lecture publique.
Attention, selon la justice, certains modes de pensée, de discourir ne sont pas des opinions, mais des délits. Il est nécessaire d’investir dans le fait, la vérité.
L’extrême droite joue aussi sur le fait du « On ne peut plus rien dire » de Thomas Hochmann.
La démocratie et la république sont des objets militants. Il est nécessaire de montrer les limites et de poser ses choix vis-à-vis de la hiérarchie.
En Belgique, existe un cordon sanitaire entre les citoyens et l’extrême droite.
Aujourd’hui, ce sont majoritairement des personnes âgées qui publient des fake news sur les réseaux sociaux.
TD 3 Esprit critique, es-tu là ?
Mathilde Larrieu, chargée de mission Éducation aux médias et à l'information, Enssib ; Angèle Stalder, maitresse de conférences, chercheuse en Sciences de l’information et de la communication, Université Jean-Moulin Lyon 3 ; Charlotte Van der Werf, responsable de l’action culturelle et de la communication, médiathèques de Villeurbanne ; Martin Pierre, journaliste, formateur en EMI.
Contexte : le réseau de lecture publique de Villeurbanne et la médiathèque de Feyzin ont accueilli une résidence de journaliste qui a fait l’objet d'une recherche-action menée par deux chercheuses en sciences de l’information et de la communication et pilotée par l'Enssib. Elle vise à préciser le rôle des bibliothèques et à développer des pistes pour l’évaluation des dispositifs d’EMI portés par les bibliothèques et leurs partenaires.
Dans le cadre d’un projet en mars 2025 de recherche-action mené par deux chercheuses sur l’évaluation d’une résidence de journalistes à Villeurbanne, en médiathèque et notamment son lien avec le milieu scolaire. Il s‘agit d’étudier la culture informationnelle dans le contexte professionnel et personnel et les pratiques informationnelles des plus jeunes.
Pour les bibliothécaires de Villeurbanne, cela consiste en une offre en EMI, intitulée Esprits en liberté, auprès des collèges et lycées. Il y a un intérêt politique fort de la part de la ville et de la direction du réseau des bibliothèques. Cela a été précédé de formations pour les professionnels participant au projet. S’est posée la question d’où commence le rôle des bibliothèques dans le projet ? Où s’arrête-t-il ? De poser les choses a permis d’y voir plus clair.
Martin Pierre (journaliste) a indiqué avoir participé une fois à une résidence de journalistes. C’est intéressant pour eux. Il y a une part d’intérêt lié au salaire pour la participation. Il rappelle que les journalistes se nourrissent de la recherche.
Charlotte Van der Werf, bibliothécaire, indique qu’il ne s’agit pas du même regard lorsqu’il s’agit de chercheuses qui évaluent la résidence, à la différence de bibliothécaires.
Angèle Stalder, maitresse de conférences, rappelle qu’il y a différentes cultures de l’information. Comment s’informent les jeunes ? Quel est leur rapport à l’information ? Quel rôle prend leur imaginaire dans leur manière de s’informer ? L’esprit critique n’est jamais fini, il se remet en question en permanence, par des approches qualitatives.
En analysant les statuts des bibliothécaires, on note que ces derniers ont besoin d’un accompagnement par des journalistes. Les bibliothécaires feront preuve de pédagogie et utiliseront leur esprit critique vis-à-vis des médias à transmettre aux usagers. Cela permettra une mise à distance de l’infobésité et de l’actualité angoissante.
L’action culturelle en bibliothèque permet de développer les compétences informationnelles des usagers en utilisant la ludification. Exemples :
Jeux vidéo pour les adolescents
Puzzle pour les personnes âgées
Etc.
Les bibliothécaires doivent avoir une politique de développement constant en rapport avec ces actions.
Jeudi 12 juin
Invitées internationales : regards des États-Unis
Échanges avec Amanda Jones, bibliothécaire en Louisane (États-Unis) et Sam Helmick, qui représente la présidence de l’Association des bibliothécaires américains (ALA) et la commission Europe & International de l’ABF.
Amanda indique que, depuis la réélection du président Trump, les bibliothécaires font l’objet d’attaques dans les États républicains. En Louisiane, sont bannis les titres en rapport avec les personnes racisées (ex : Toni Morrison), les personnes LGBTQ+. L’important étant pour ces groupes est de nuire à la réputation des bibliothèques et bibliothécaires, en attirant l’attention tout en transformant quelque chose de simple en problème, dans le but ultime de conquérir des votes.
Exemple : des passages de livres peuvent être sortis de leur contexte en étant dépeints comme des contenus sexuels explicites, qui ne devraient pas être lisibles par des enfants.
Leur objectif est également de privatiser bibliothèques et écoles, d’origine publique pour :
Contrôler le savoir, les formes de narration
Que les riches deviennent plus riches
Pour nous amener bien en-deçà de ce que nous pourrions être.
L’objectif est donc de criminaliser les bibliothécaires. Un projet de loi envisage de contraindre à devoir attendre deux ans avant de rejoindre une association professionnelle lors d’un début de carrière.
Sam rappelle que c’est sur un article de la Constitution des Etats-Unis qu’a été actée la création des bibliothèques. En 1938, une déclaration sur la lecture est mise en place et adoptée en 1939 par l’ALA. Elle garantit la liberté d’expression. Elle accorde par exemple le droit de pétition pour interroger le gouvernement sur les atteintes à la liberté d’expression.
Amanda est bibliothécaire scolaire. Elle est la cible d’attaques pernicieuses, fallacieuses, comme quoi elle aurait fait la promotion à destination des élèves de son établissement, de livres à caractère sexuel et pornographique dans sa bibliothèque. Ces attaques provoquent chez leur cible des troubles physiques et mentaux dus au stress. Ces groupes ont d’ailleurs tenté de la faire renvoyer le mois dernier.
Tous les bibliothécaires des Etats-Unis sont maintenant très inquiets. Ils ont peur de commander des livres en rapport avec les personnes de couleur ou LGBTQ+. Cela touche même tous les acteurs du circuit du livre : auteur, éditeur.
Sam rappelle un rapide historique de la censure aux Etats-Unis avec le Maccarthysme dans les années 1950, suivi des attaques contre la série Harry Potter par exemple dans les années 2000. C’est devenu d’autant plus complexe aujourd’hui, que des gens utilisent les réseaux sociaux pour s’attaquer non seulement au livre, mais aussi au bibliothécaire. Selon l’ALA, 72% de ces attaques ne proviennent pas des parents d’élèves mais de groupes politiques ou gouvernementaux. Des sites de livres anciens ont été supprimés. Une tentative de Trump a eu lieu pour supprimer l’agence qui finance les bibliothèques, archives et musées. De 2016 à 2020, une tentative a eu lieu pour diminuer fortement le budget. Aujourd’hui, l’objectif du gouvernement Trump est qu’il soit à 0 $.
Pour l’ALA, il est important de souligner que sur 1 $ dépensé pour les bibliothèques, il y a 5 $ de retour sur investissement via la création des emplois.
L’ALA compte 50 000 membres. Elle donne accès à des boîtes à outils sur deux sites Internet pour que le public défende ses bibliothèques. Elle a également lancé une campagne en travaillant avec des éditeurs, auteurs et juristes pour venir en aide aux bibliothécaires qui ont été renvoyés ou qui sont harcelés.
Amanda indique qu’elle a reçu beaucoup de soutien d’autres bibliothécaires. Pen America permet à ce que l’histoire des journalistes soit entendue. Il en est de même pour l’ALA, il faut que le bibliothécaire entre en lutte. Par exemple, en Louisiane, ils ont lancé une campagne Louisiana citizens against censorship, avec 44 000 emails envoyés au congrès pour défendre les bibliothèques. Elle rappelle qu’ils ont besoin de tout le soutien possible, notamment des autres pays comme la France. La diffusion de leurs problématiques sur les réseaux sociaux aide beaucoup.
Sam dit que la communauté professionnelle est importante, que notre profession est solide, que notre travail est fantastique et qu’il est important de prendre soin de nous. On peut avoir confiance en nous. Ce que nous faisons ici en France les influence et les inspire.
Comment les aider ?
Les messages de soutien sont importants, notamment sur les réseaux sociaux pour permettre de lutter contre la propagande anti-bibliothèques. Il est indispensable de poster la vérité.
Soutenir le Fonds de soutien aux bibliothécaires licenciés
Soutenir l’ALA, la Freedom to read Foundation (contre les listes de livres censurés).
Sam répond à une question posée la veille sur le pluralisme des collections. Aux Etats-Unis, les bibliothécaires ont pour objectif de donner l’information (même si on ne l’aime pas ou qu’on n’est pas d’accord).
TD5 Neutralité du fonctionnaire cadre légal à l'épreuve de la réalité du terrain
[La TD a commencé avec 30 minutes de retard et recoupe le début de la conférence 2 sur les coulisses de Cogito.]
Claire Gaudois, membre du comité d’éthique de l’ABF ; Arnaud Le Mappian, directeur du réseau des bibliothèques, Montreuil ; Mylène Jacquot, secrétaire générale de la CFDT Fonction publique ; Philippe Marcerou, inspecteur général de l’éducation, du sport et de la recherche, responsable du collège bibliothèques, documentation, livre et lecture publique ; Ministère de la culture
Loi sur le rôle des bibliothèques du 21 décembre 2021. Il existe un rapport éthique dans les métiers des bibliothèques.
La loi Robert a été construite sur une analyse universitaire des droits des bibliothécaires et est basée sur leurs pratiques professionnelles. Le texte a été voté à l’unanimité dans les deux chambres du parlement.
Il est nécessaire de respecter le principe de neutralité du service public. Et la constitution des collections se fait selon le principe de pluralisme. La politique documentaire se fait par les bibliothécaires mais sous le regard des élus dans les bibliothèques de lecture publique.
Ce pluralisme des collections est rappelé dans la loi.
Le membre de la CFDT rappelle aussi l’obligation de réserve.
Dans la fonction publique territoriale, la place des élus est complexe et, parfois, problématique.
La désobéissance est permise dans le cadre d’un ordre manifestement illégal. Il faut pour cela « caractériser le caractère » illégal et de « nature à troubler l’ordre public ».
Conseil : ne pas rester seul dans son exercice professionnel. Le travail est un exercice collectif.
L’inspecteur des bibliothèques rappelle qu’on est au-delà de la focale des collections. Qu’il est nécessaire de mettre en place une méthode pour analyser l’existence du pluralisme dans les collections physiques et numériques. Il faut aussi évaluer la politique documentaire écrite, les outils. Et demander sa définition du pluralisme à la direction de l’établissement.
Selon le ministère de la Culture, il est important de formaliser la politique documentaire en définissant les orientations générales. Cette rédaction doit revenir uniquement aux bibliothécaires. Elle doit ensuite faire l’objet d’une publicité devant le conseil municipal, avec vote possible. [J’ai été obligée de partir à ce moment-là].
C2 Dans les coulisses de Cogito, formation à l'esprit critique
Une chaîne sur les réseaux sociaux existe, intitulée l’Esprit critique, sur Intagram, Tiktok, Youtube ; avec une vidéo par semaine de vulgarisation sur l’esprit critique. Elle est basée sur des cas précis issus de l’actualité, via le choix d’une thématique précise. Quelle posture adopte t’on face aux discours des médias et des politiques ?
Cogito, lancé par les mêmes acteurs que la chaîne, est un parcours de formation via une plateforme, selon une approche pédagogique, avec une humilité intellectuelle. Formation de niveau initial à partir de 15-16 ans, avec 20 heures d’accès individuel. Le site est construit par des développeurs web et des UX designers. La communication, la navigation font l’objet d’une ludification pour parvenir aux objectifs pédagogiques. La plateforme est très différente de Moodle.
Elle porte une attention particulière aux leviers d’apprentissage des lycéens, des étudiants en CFA et des primo-entrants à l’université. Un à deux grands thèmes sont étudiés. La formation fait l’objet d’une autoévaluation via un questionnement individuel.
4 grandes familles :
Capacités d’évaluation et d’analyse de l’information. Détection des fake news, de la propagande.
Le raisonnement, l’argumentation, le débat (pathos/logos).
Se situer et s’autoréguler, réflexion sur soi-même. Étude de ses propres déterminismes, des biais cognitifs.
Autonomie intellectuelle sous le biais de l’éthique du raisonnement. Savoir s’interroger. Question du doute.
La science est basée sur l’étude des chercheurs et des étudiants.
TD7 Formation et recrutement, adapter les équipes aux enjeux de l'esprit critique
Arnaud Le Mappian, directeur du réseau des bibliothèques, Montreuil ; Mathilde Moinet, membre du Bureau national de l’ABF ; Fabrice Chambon, directeur des Affaires culturelles d’Est-Ensemble ; Raphaële Gilbert, cheffe du service Etudes et Recherche, Bpi, précédemment chargée de mission Evolution des bibliothèques et de leurs métiers, ministère de la Culture ; Amélie Morin-Fontaine, responsable du Département du Numérique et de la Culture scientifique, réseau des médiathèques et de la culture scientifique, Montpellier Méditerranée Métropole.
R. Gilbert
Selon l’approche EMI, il y aurait un expert pour expliquer ce qu’est la vérité. La vérité est émancipatrice. Le Ministère de la culture met en place des ateliers pour travailler, s’exprimer via les technologies numériques.
Mme Gilbert fait part de l’existence de 2 guides :
Développer la pensée critique pour la jeunesse
Ecouter les jeunes des quartiers populaires pour les accueillir dans la démocratie
Quelles sont les spécificités des bibliothèques dans ce cadre ?
Selon une enquête sur la confiance en les métiers, le bibliothécaire se situe en 3e position derrière le pilote d’avion et l’infirmier.
La question des collections est centrale, via leur fiabilité.
Pour les bibliothécaires, il s’agit de faire preuve de compétences en matière d’esprit critique, d’EMI, d’action culturelle.
Pour la construction des formations au personnel des bibliothèques, il serait utile de s’interroger sur l’évolution des compétences en matière d’esprit critique. S’il y a des collègues issus du milieu du journalisme, c’est utile. Dans le recrutement, via un profil de poste, il est important de mentionner l’EMI. Dans les sujets à aborder dans l’entretien d’embauche, peut être abordé la sensibilisation au phénomène de concentration des médias, du placement politique des médias sur les sujets d’actualité (ex : LGBT).
Sur la question de l’action culturelle, faire venir tel ou tel intervenant est-il neutre ?
R. Gilbert
Le référentiel national des compétences des bibliothèques territoriales est différent des référentiels métiers type Bibliofil’ car ces derniers sont datés, pas toujours harmonisés selon les bibliothèques, pas toujours mis à jour.
Il a fait l’objet d’un groupe de travail en 2022 et 2024. Cela a permis de balayer les différents domaines de compétences tout en allant vers davantage de concret. Ces domaines doivent couvrir les enjeux transversaux du type « sensibilisation à l’écologie ». C’est un outil de dialogue, de réflexion, sur les projets de service. Il permet de développer le plan de développement des compétences d’un établissement. L’esprit critique est rattaché au domaine de la citoyenneté et de la déontologie. Cela touche à la pertinence et la fiabilité de l’information, mettre à disposition de la documentation fiable, dans les accueils de groupe utiliser l’EMI.
Quels sont les profils à privilégier dans les recrutements ? Quel serait selon vous l’organigramme idéal en BM pour répondre aux enjeux de l’EMI ?
Il faut qu’il y ait un socle minimal dans les profils et fiches de poste. Il est nécessaire de mettre en avant le plan de développement des compétences auprès de l’équipe. Il peut y avoir un référent EMI ou un groupe de travail pour que l’EMI soit portée de manière collective. Il est important que les agents connaissent les partenaires du territoire, ex. les journalistes.
Existe-t-il une tension entre la légitimité des concours et les pré-requis demandés pour les passer ?
Il y a un certain attachement aux statuts. Il peut être enrichissant d’avoir des profils d’origine extérieure.
Exemples :
BM de Nogent sur Marne
BM d’Amiens
BM de Montpellier avec un service Médiathèques et culture scientifique (comprenant la culture numérique).
R. Gilbert
Il y a un questionnement sur les concours et les accès. La formation ne sera plus obligatoire pour les catégories B. Les fonctions définies par les statuts de la catégorie C ne sont plus en adéquation avec le terrain.
Une étude a été publiée dans la revue Balisages sur les formations initiales à l’esprit critique dans les catalogues de formations généralistes. La littérature professionnelle est très importante. Les formations peuvent dépendre aussi du réseau, de l’écosystème, des partenaires : exemples : journalistes ou chercheurs.
Il faut rappeler le lien entre la science et la société. Exemple : atelier de peluchologie où les enfants pèsent leurs peluches.
A la BM d’Amiens, il existe la formation du réseau EMI’Cycle : https://emicycle.fr/
De nombreux agents travaillant en bibliothèque sont issus de reconversions.
TD 9 Y a-t-il un bibliothécaire à bord ? Journalistes, bibliothèques et partenaires : de la délégation à la co-construction de services
Julia Morineau-Eboli, directrice, Médiathèque départementale de Haute-Loire, membre du Bureau national de l’ABF ; Louis de Luca, chargé de développement local, AFEV ; Anne-Cécile Hyvernat-Duchene, responsable du département Société, bibliothèque municipale de Lyon ; Bettina Lioret, journaliste France Inter, formatrice EMI, membre de l’association Fake-Off ; Elena Da Rui et Sean Love, Médiathèque de Créteil, équipe « sens critique ».
A la médiathèque de Créteil, l’équipe Sens critique a des partenariats avec des équipes issues de l’EMI. Il y a un principe d’égalité entre les partenaires. L’objectif étant de s’enrichir mutuellement, de mettre en place une co-construction avec l’expérience de l’autre, à partir d’idées nouvelles, d’approches professionnelles différentes :
Animation d’ateliers avec des journalistes
Atelier sur le dessin de presse
Ateliers dans les classes
Ateliers avec l’AFEV (volontaires en service civique).
L’AFEV a également un partenariat avec les bibliothèques de Lyon.
Les associations sont dans un contexte difficile avec peu de moyens. Les BM ont des lieux, etc. pour recevoir. Les partenariats avec les BM sont donc très intéressants pour les associations.
Vendredi 13 juin
TD 11 La bibliodiversité à l'épreuve de la concentration des médias
Arnaud Le Mappian, directeur du réseau des bibliothèques, Montreuil ; Lucas Baire, militant, ACRIMED ; Jean-Yves Mollier, professeur émérite d'histoire contemporaine, Université Paris Saclay/Versailles Saint-Quentin ; Jean-Rémi François, Directeur de la Bibliothèque Départementale des Ardennes, membre de la Commission Politique documentaire de l’ABF.
J-Y Mollier
Hachette Livres presque 3 milliards d’€ de CA (A. Lagardère)
Média-participations 700 millions d’€ de CA
Madrigall 500 millions d’€ de CA
Au total, les dix plus grandes maisons d’édition représentent 87 % du CA de l’édition en France. Les petits et moyens éditeurs en représentent donc 13% (4500 éditeurs).
Les trois premiers ont des entreprises de distribution et de diffusion contrairement aux petits et moyens qui sont obligés de passer des intermédiaires.
Historique
A l’époque, Hachette possède 60 000 points de vente en France donc 60% du territoire français, face aux éditeurs familiaux.
Après la 2nde guerre mondiale, un autre groupe entre dans la course, il s’agit de Gallimard avec les Presses de la Cité (Plon, Perrin).
1980
Lagardère prend 40% des actions d’Hachette.
1988 Groupe de la Cité (Nathan, qui fera ensuite partie d’Editis)
1985 M. Montagne achète les droits des discours de Jean-Paul II pour les publier, puis rachète des maisons d’éditions de BD. Création de Média-participations.
1998 Création de Vivendi Universal Publishing (devenu Editis, groupe Bolloré)
2004 Lagardère (Hachette Livres) fait l’acquisition de 40% d’Editis.
2020 V. Bolloré (de Vivendi) devient actionnaire majoritaire de Lagardère. Un « mariage » entre Editis et Hachette Livres est retoqué par la Commission européenne.
Hachette subit un changement de la direction des éditions Fayard (éditeur des mémoires de J. Bardella + 600 000 exemplaires vendus de Merci pour ce moment/ V. Treiweiller).
Le livre devient un média de diffusion de l’idéologie. Les Soulèvements de la Terre veulent intenter des actions contre les maisons d’édition du groupe Hachette Livres.
L. Baire
Il y a un véritable empire Bolloré. La concentration de l’édition est verticale. Il y a maintenant une promotion des livres via la TV et la radio, avec un effet d’imitation par les autres médias.
La loi Léotard de 1986 [affirme la liberté de communication audiovisuelle, sous réserve de respecter un certain nombre de grands principes forts de la République française tels que la dignité de la personne humaine, la liberté et la propriété d'autrui, le pluralisme ou encore la protection de l'enfance et de l'adolescence, l'ordre public…]
Elle s’inscrit dans la concentration horizontale des médias avec pour objectif d’interdire le monopole par le fait de posséder 1 groupe d’éditeurs, 1 chaîne TV, 1 chaîne de radio, 1 groupe d’armement…
V. Bolloré nie l’idéologie dans son contenu. Pourtant, CNews représente 44% du temps d’antenne sur l’immigration. L’évaluation se fait notamment via les occurrences des termes, par exemple : « francocide ».
J-Y. Mollier
Ne craint pas l’arrivée d’un changement de contenu idéologique dans les manuels scolaires car il y aurait une levée de boucliers. En effet, les manuels sont choisis par les commissions pédagogiques. Il est aussi complexe de modifier le contenu idéologique d’un roman. Il y a des garde-fous en France.
Jean-Rémi François
La loi Robert nous aide dans nos pratiques professionnelles. Les acquisitions se construisent via une approche par titre, par contenu, par travail éditorial (selon les collections des maisons d’édition). L’objectif est de mettre en place une diversité des collections, de représenter les « courants d’idées ».
Il serait intéressant d’intégrer dans la formation des bibliothécaires ce panorama économique et historique du secteur de l’édition.
Pour les acquisitions, il y a malheureusement des frais supplémentaires de distribution quand il s’agit d’un petit éditeur.
J-Y. Mollier
Il existe 400 éditeurs indépendants. Il y a d’ailleurs une Fédération des éditeurs indépendants.
La bibliodiversité est menacée. En effet, tous les 5 ans, un micro éditeur disparaît.
Jean-Rémi François
Le Centre National du Livre a un budget indépendant.
J-Y. Mollier
En littérature jeunesse, Bayard (issu de la Congrégation catholique des Augustins de l’Assomption) a racheté Milan en 2004. Il y a eu une levée de boucliers mais le rachat a finalement été autorisé par Bercy.
Le journal La Provence avait renvoyé son rédacteur en chef pour une Une défavorable à Emmanuel Macron. Il a dû revenir sur sa décision suite à des manifestations.
L’autoédition représente 20% des ISBN déclarés chaque année.
Conférence de clôture : Soyons optimistes !
Thomas C. Durand, auteur, conférencier, vulgarisateur scientifique et créateur de la chaîne YouTube La tronche en biais
Effet Barnum « L’effet Barnum est un biais cognitif qui induit l’individu à accepter une description vague de la personnalité comme s’appliquant spécifiquement à sa propre personnalité. »
Pour satisfaire un pigeon, on peut toujours trouver quelque chose pour lui faire plaisir.
B. Forer, chercheur américain qui teste cette validation subjective, ces biais cognitifs sur ces étudiants via le texte suivant trouvé dans une rubrique Astrologie et présenté comme un résultat de test personnalisé :
« Vous avez besoin d’être aimé et admiré, et pourtant, vous êtes critique avec vous-même. Vous avez certes des points faibles dans votre personnalité, mais vous savez généralement les compenser. Vous avez un potentiel considérable, que vous n’avez pas tourné à votre avantage. A l’extérieur vous êtes discipliné et vous savez vous contrôler, mais à l’intérieur, vous tendez à être préoccupé et pas très sûr de vous-même. Parfois, vous vous demandez sérieusement si vous avez pris la bonne décision ou accompli ce qu’il fallait. Vous préférez une certaine dose de changement et de variété, et devenez insatisfait si l’on vous entoure de restrictions et de limitations. Vous vous flattez d’être un esprit indépendant et vous n’acceptez l’opinion d’autrui que dûment démontrée. Vous pensez qu’il est maladroit de se révéler trop facilement aux autres. Par moments, vous êtes extraverti, bavard, sociable, tandis que d’autres moments, vous êtes introverti, circonspect et réservé. Certaines de vos aspirations tendent à être assez irréalistes. »
Robert Ennis apporte une définition de l’esprit critique, de la pensée critique « La pensée critique est une pensée raisonnable et réflexive portant sur la décision de ce qu'il faut croire ou faire. »
La pensée est le centre de soi-même. L’esprit critique permet l’autodéfense intellectuelle. Ou « l’art de penser contre son cerveau » (Bachelard).
T. Durand émet une critique forte envers le mouvement de la pensée positive.
Le changement climatique renvoie au pessimisme ambiant. A part les dépressifs qui sont « bénis des dieux » (« à part que c’est une maladie »), les humains ont une sur-confiance en eux-mêmes avec la capacité de juger mal l’Autre. Le biais est un raccourci mental, avec des origines évolutionnaires, des contraintes psychologiques issues de facteurs culturels et sociaux.
Avec l’exemple du crash d’avion, il indique que les évènements qui nous parviennent interviennent sur notre façon de voir les choses. Il en suivra une exposition du survivant.
Les données incomplètes ne suffisent pas. Il s’interroge sur la confiance en l’information. Le biais endogroupe est une tendance à penser comme le groupe. Exemples : meutes, tribalisme, sectarisme.
Il est la conséquence de champs de force culturels et sociaux. La solution à ce biais cognitif est le débat, la délibération, la coopération.
Un penseur critique prend le temps de se remettre en question et d’en faire de même pour ses sources. Il est nécessaire pour lui de freiner un peu. Le bibliothécaire peut être un relais. Via la rationalité instrumentale, il peut prendre une décision.