Association
des Bibliothécaires
de France
Retour sur le 70ème Congrès de l’ABF
Jeudi 12 juin 2025, Montreuil
Thématique : Bibliothèque & esprit critique
« À l'heure où l'information est surabondante, se construit et circule librement, où la neutralité
réglementaire des bibliothécaires peut être ébranlée par l'actualité, où la complexité croissante du
monde rend impossible de le connaître sans intermédiaires à qui faire confiance, il est important
de refonder la légitimité des bibliothèques en tant que lieux de confiance pour accompagner le
cheminement individuel des publics vers une autonomie éclairée. »
Conférence plénière
Échanges avec :
• Amanda Jones, bibliothécaire en Louisane (États-Unis)
• Sam Helmick, qui représente la présidence de l’Association
des bibliothécaires américains (ALA) et la commission
Europe & International de l’ABF
Aux États-Unis, les bibliothèques dans les « Red States » (Républicains) sont soumises à la
censure des politiciens. Ils prennent des extraits de livres représentant des personnages issus
des minorités LGBTQIA+ et afro-américaines et en déforment les propos. Leur but : privatiser les
écoles et les bibliothèques publiques pour avoir le contrôle du savoir et des formes de narration.
Ils attaquent aussi les bibliothécaires directement, portent atteinte à leur réputation et édictent
des lois pour les criminaliser.
En réponse, les bibliothécaires saisissent la justice → plusieurs procès en cours pour faire
respecter leur droit à la libre expression et donc au droit de pétition.
Conséquence : les bibliothécaires s’auto-censurent pour ne pas être harcelés. A leur tour, les
auteurs et éditeurs engagés ont peur de s’exposer.
La censure de livres a commencé aux États-Unis dès les années 1950 avec Mc Carthy. Ces
dernières années, les censures sont plus virulentes à cause des réseaux sociaux. L’offensive,
massive, vise désormais les bibliothécaires eux-mêmes.
→ 72 % des attaques ne viennent pas des parents mais des groupes politique (étude ALA).
En supprimant le financement de l’IMLS (Institue of Museum and Library Services), agence
fédérale ayant plus de 20 ans d’existence, Donald Trump menace l’avenir des bibliothèques, des
musées et archives.
Pistes pour lutter :
- communiquer et montrer l’impact positif des bibliothèques : pour 1$ investi en bibliothèque,
« retour sur investissement » de 5 à 9$ en matière de formation, d’inclusion, de bien-être social
(étude ALA)
- faire campagne pour montrer les livres censurés et raconter ce qu’il se passe aux États-Unis,
poster des « messages de vérité » sur les réseaux sociaux pour contrer la propagande
- agir localement avec l’appui d’associations (ex : association La Louisiane contre la censure)
- continuer à raconter le travail que l’on fait
Sur la question du pluralisme :
Ce qui compte, c’est d’informer et de transmettre les informations contenues dans les livres. En
bibliothèque, il est important de conserver certains livres, pour montrer que les idées qu’ils
transmettent impactent nos vies. Avoir un livre en bibliothèque ne signifie pas forcément le
mettre en avant.
Pour aller plus loin :
- Détails des livres censurés et infographie à retrouver sur le site de l’ALA :
https://www.ala.org/bbooks/frequentlychallengedbooks/top10
- Reportage ARTE « USA, La guerre des livres » : https://www.arte.tv/fr/videos/118579-000-A/usala-
guerre-des-livres/
Discussion : Neutralité du fonctionnaire
Cadre légal à l'épreuve de la réalité du terrain
Fonctionnaires, les bibliothécaires peuvent s'appuyer sur un statut qui comporte des obligations.
La loi sur les bibliothèques encadre également leurs missions. Ce cadre légal, est-il vraiment
garant de la neutralité et du pluralisme en bibliothèque ? Comment nous en servir ?
Table-ronde avec :
• Mylène Jacquot, secrétaire générale de la CFDT Fonction publique
• Philippe Marcerou, inspecteur général de l’éducation, du sport et de la recherche
(IGESR), responsable du collège bibliothèques, documentation, livre et lecture publique
• Jérôme D., en remplacement de Sylvie Robert, sénatrice
Loi Robert : proposition de loi à l’initiative des bibliothécaires, votée à l’unanimité dans les deux
chambres. Elle pose un cadre :
- la bibliothèque est un service public qui s’exerce dans le cadre de la neutralité (fait de ne pas
manifester ses opinions politiques ou religieuses à l’égard des usagers ou des collègues) ;
- la bibliothèque est pluraliste (cette notion existait dans le droit avant la loi Robert) ;
- la bibliothèque offre une gratuité d’accès.
Cette loi est globalement bien appropriée par les maires et DGS. Les difficultés qui se posent en
matière de pluralisme touchent plus l’action culturelle que les acquisitions. Cela concerne les
thématiques suivantes : religion, opinion politique, philosophie, santé / bien-être, science /
climat, droit des femmes, histoire locale, minorités, art et littérature (dark romance), segments
de la collection jeunesse.
Il existe une tension entre le devoir de neutralité des fonctionnaires VS un exécutif partisan.
Pour s’en préserver, la loi Robert donne aux bibliothécaires la légitimité pour agir → c’est à elles
et eux (et non aux élus !) de formaliser les grands principes d’acquisitions dans une politique
documentaire puis de rendre publiques ces orientations auprès des élus (passage en Conseil
municipal / communautaire conseillé).
Le développement des chartes d’acquisitions se fait sur le temps long. C’est un processus qui
montre la technicité, l’expertise des bibliothécaires (parfois moins évidente que celle d’un
ingénieur des Ponts et Chaussées). La construction de la politique documentaire a d’autant plus
de sens qu’elle s’élabore en collectif → moyen d’échanger, de parler.
La fonction des bibliothécaires, c’est d’organiser les bases sérieuses d’un débat. Tous les sujets,
même les plus délicats, peuvent être débattus. Dans notre travail, il ne s’agit pas « d’incarner les
valeurs de la République » mais simplement de les respecter.
A venir :
- Rapport Éthique et déontologie du personnel des bibliothèques
- Capsules vidéos du CNFPT sur la déontologie
Flash-conférence : Savoirs sensibles, savoirs critiques L'ordinaire du
bibliothécaire
Cette rencontre présente et souhaite prolonger l'ouvrage collectif Un
abécédaire sensible des bibliothèques. Mots d'ordre et de désordre. Ce
livre cherche à rendre visibles et audibles les présences et les voix discrètes
d'une communauté professionnelle occupée jour après jour à entretenir
des espaces de vie et des savoirs. Mettant à distance les termes souvent
imposés pour parler de ce que nous faisons, cet abécédaire propose des
mots accrochés à des réflexions, des expériences, des importances.
Certains de ces mots seront présentés et discutés lors de la rencontrelecture.
Échange avec :
• Muriel Amar, maîtresse de conférences à l'Université Paris Nanterre
• Joelle Le Marec, professeure au Muséum national d'Histoire naturelle
• Agathe Baechelen, bibliothécaire Bpi
• Une représentante de l'Association des Bibliothécaires de la ville de Paris (collectif
composé de 100 agents, qui a vocation à affirmer les missions du quotidien et à
« bousculer » la tutelle)
• Julien & Quentin du podcast ''Deux connards dans un bibliobus''.
Ouvrage collectif sous forme d’abécédaire, pour rendre visible les savoirs, compétences et
gestes bibliothécaires mobilisés au quotidien. Il porte une dimension critique : on mentionne ce
qui est merveilleux dans les bibliothèques, mais aussi ce qui ne va pas. L’abécédaire comporte
des entrées « sensibles » : on n’y parle pas de catalogage, d’accueil ou d’équipement mais de
modestie, de danse ou d’émerveillement. Le travail des bibliothécaires n’est pas spectaculaire
comme d’autres métiers. D’où l’importance de rendre visible notre travail.
Face aux difficultés que les bibliothécaires peuvent vivre dans leur métier, il y a différentes
formes de luttes possibles :
- juridique (recours)
- syndicale
- création de collectifs / associations
Pour aller plus loin :
- Un épisode du Book Club de France Culture :
https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/le-book-club/les-bibliotheques-de-a-a-z-
9664181
- Une autre ouvrage collectif à découvrir : https://www.lamanufacturedelivres.com/livre/dunebibliotheque-
a-lautre
Discussion : Y a-t-il un bibliothécaire à bord ?
Journalistes, bibliothèques et partenaires : de la délégation à la coconstruction
de services
Les actions EMI proposées en bibliothèque font-elles de celle-ci un simple cadre d’accueil pour des
intervenants extérieurs, ou s’y joue-t-il quelque chose de plus riche ? Des professionnels
échangeront sur la nature de divers partenariats, et ce que cela « fait » d’être en bibliothèque
lorsqu’on traite d’EMI ou d’esprit critique.
Table-ronde avec :
• Julia Morineau-Eboli, directrice, Médiathèque départementale de Haute-Loire, membre
du Bureau national de l’ABF
• Louis de Luca, chargé de développement local, AFEV
• Anne-Cécile Hyvernat-Duchene, responsable du département Société, bibliothèque
municipale de Lyon
• Bettina Lioret, journaliste France Inter, formatrice EMI,membre de l’association Fake-Off
• Elena Da Rui et Sean Love, Médiathèque de Créteil équipe « sens critique »
Bettina Lioret participe à des résidences de journalisme et d’éducation aux médias. Elle a créé
des podcasts avec des jeunes en mission locale.
Les médiathèques de Créteil ont créé un Pôle « sens critique » qui a vocation à développer la
culture scientifique et la pensée méthodique, la culture du débat et la compréhension du
monde des médias. Elles font intervenir des docteurs en neurosciences comme Albert
Moukheiber pour décrypter les idées reçues sur le cerveau et son fonctionnement. Il y a un
enjeu à développer aussi l’esprit critique vis-à-vis des écrans, afin d’éviter les inégalités
d’usages.
Bonnes pratiques :
* Les ateliers EMI ont un intérêt quand ils sont organisés en cycle.
* Profiter de la venue de journalistes en médiathèques lors d’ateliers pour observer leur
méthodologie.
* Privilégier les partenaires avec lesquels il est possible de co-construire des ateliers (plutôt que
des prestataires de service) et bien s’interroger sur le périmètre de chacun.
* Attention aux prestataires (ex : pour des ateliers philo) qui ne connaissent pas bien les publics
→ parfois, il vaut mieux se former soi-même.
* Il est plus facile de mener des ateliers EMI avec un public captif.
Pour aller plus loin : La page Youtube des Médiathèques de Créteil :
https://www.youtube.com/@mediathequescreteil
Atelier : Les contes à Paillettes
Une lecture contée pour explorer autrement les récits traditionnels. À travers des personnages
revisités, un moment de réflexion joyeuse sur les représentations et les normes. Lecture suivie d’un
temps de discussion afin de partager la démarche du collectif, ses choix artistiques et
pédagogiques, et d’ouvrir un dialogue sur la diversité des imaginaires. Atelier proposé par les drag
queens du collectif Paillettes.
Malheureusement, je n’ai pu assister qu’à la discussion qui a suivi la lecture d’histoires. Ce
collectif de drag queens intervient dans plusieurs médiathèques (Louise Michel, Saint-Denis,
Romans-sur-Isère, etc.) et reçoit un accueil chaleureux du public, notamment des enfants.
Énergie très chouette, beaucoup d’humour.
Pour les suivre :
Le site internet du collectif Paillettes : https://paillettes.lol/
Leur page instagram : https://www.instagram.com/paillettesqueershow/?hl=fr
Retour général :
C’était une première et une très belle découverte pour moi. Mais
une journée, c’est trop court ! Difficile de faire le tour de l’ensemble
des stands du salon professionnel. J’ai cependant pris le temps de
discuter avec la Médiathèque Valentin Haüy.
✨ Une pépite : la rencontre avec le collectif de drag queens et leur
joie communicative
???? Un caillou : je regrette de ne pas avoir pu participer aux temps
d’ateliers, plus participatifs et propices aux rencontres que les
conférences.
Petit conseil : si l’on souhaite participer au Congrès, ne pas rater
l’ouverture des inscriptions afin de pouvoir choisir les ateliers, dont
les places sont très limitées.
Encore merci au groupe ABF Limousin pour l’octroi d’une bourse.
Margaux Bouby, étudiante ABF